LES ÉNIGMES DE LA CHOUETTE D’OR

 

560

AD AUGUSTA PER ANGUSTA


Quand, à Carusburc, tu auras Albion dans le dos,

Cherche l’Ouverture qui révèle la Lumière Céleste.

Ne t’attarde pas, ne demande pas ton reste,

Mais apprête-toi à marcher sur les eaux.


Par deux fois, Neptune viendra à ton secours

Et te mènera loin du Septentrion glacé.

Poursuis ta route et n’interromps pas ton parcours

Avant de voir, par l’Ouverture, la Nef encalminée.


Sans dévier d'un pouce, tire un trait,

Et tu ne regretteras pas ce que tu as fait.

 

Synthèse des madits du Fig-Mag :
Carusburc est une ville.
Albion n’apparaît qu’une fois dans le jeu, et ne sera pas toujours « dans votre dos » pendant le déroulement de cette énigme.
Le crayon du visuel est symbolique, il pourrait s’agir de n’importe quel autre instrument à écrire.
L’épaisseur du trait de crayon et sa longueur, sur le visuel, n’ont pas d’importance. Ce trait part de Carusburc et vous en éloigne.
Les deux aides de Neptune interviennent l’une après l’autre, sur un même axe depuis Carusburc, et sont de même nature. Ces aides sont un indice qui vous permet de trouver la direction dans laquelle vous devez vous diriger.
Une fois la « Nef encalminée » découverte, vous n’avez plus besoin de l’aide de Neptune, et il l’interrompt aussitôt.
La « Nef encalminée » est tangible, et elle se trouve en France.
Ce terme « Nef encalminée » est descriptif ; ce n’est ni un nom officiel ni un terme générique.
La Nef est au-dessus du niveau de la mer.
Lorsque vous voyez la Nef par l’Ouverture, Neptune est encore en train de vous aider.
La Nef est l’ultime chose à trouver dans cette énigme.
Tirer le trait qui relie l’Ouverture et la Nef est la dernière chose que vous devez faire dans cette énigme.
C’est ce trait-là que « vous ne regretterez pas » ; il s’agit d’une ligne droite.
Ce n’est pas le même trait que celui qui se trouve sur le visuel.
« Tu ne regretteras pas » traduit un futur immédiat.

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Plantons
le décor

Le titre « Ad augusta per angusta », est traduit ainsi dans le Petit Larousse : « À des résultats grandioses par des voies étroites. » Cet ouvrage précise que le sens de cette phrase est « On n’arrive au triomphe qu’en surmontant maintes difficultés », et que c’est le mot de passe des conjurés à l’acte IV d’Hernani, de Victor Hugo.

Carusburc est le nom romain de Cherbourg, comme Albion est celui de l’Angleterre. Comme on sait depuis la 470 que, lorsqu’on regarde par l’Ouverture, c’est toujours en ligne droite, on trace un trait reliant Cherbourg à Bourges, et on le prolonge pour tomber... sur Golfe Juan ! Et cette fois, c’est « pile poil », pas comme le trait Roncevaux-Bourges-Carignan des énigmes 470 et 500.

Golfe Juan est-il donc la « Lumière Céleste » dont parle l’énigme, et que l’Ouverture nous révèle ? Cela se pourrait bien, puisque l’énigme précédente (420), qui nous a fait rencontrer Golfe Juan pour la première fois, était intitulée « Du ciel vient la lumière ».

Le « grand X » de la Chouette (Roncevaux-Bourges-Carignan et Cherbourg-Bourges-Golfe Juan) serait ainsi tracé.

Hélas... Max a dit à de nombreuses reprises que Carusburc, Ouverture et Lumière Céleste ne sont pas alignés ! Voilà le grand X taillé en pièces, et nous voici obligés de repartir de Carusburc... du bon pied, cette fois.

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Retour à la table à cartes

Notre première tâche est de résoudre l’ambiguïté contenue dans les deux premiers vers. Il s’agit de comprendre que ces vers ne sont pas une injonction immédiate («Pendant que tu es à Carusburc, cherche vite fait la Lumière Céleste par l’Ouverture avant d’aller plus loin»), mais au contraire un descriptif plus général de ce qu’il s’agit de faire en 560 ; une sorte d’annonce de plan, en somme.

D’ailleurs, pourquoi nous inciter à « chercher l’Ouverture », puisque nous la connaissons déjà (Bourges), et que nous savons qu’il n’y a qu’une Ouverture (voir page I.S.) ? Lorsqu’on sait précisément où l’on se trouve (en l’occurrence, à Cherbourg), et que l’on sait également où est l’Ouverture, point n’est besoin de « chercher » quoi que ce soit ! Utiliser, dans le texte de l’énigme, l’expression « cherche l’Ouverture » serait alors une grave impropriété. De plus, lorsqu’on cherche, c’est afin de trouver—ou de retrouver...

À mon sens, ce n’est donc pas depuis Cherbourg que doit se faire cette recherche, mais depuis un autre lieu, où nous ne sommes encore jamais allés et où, quand on y arrivera, on n’aurait alors aucune raison particulière de nous intéresser à l’Ouverture si l’énigme ne nous le demandait pas. Pour parler familièrement, on pourrait traduire ce que nous dit l’énigme de la manière suivante : « Tu es à Cherbourg mais tu dois en partir sans retard. Tu vas suivre un certain parcours qui te fera arriver en un certain point, ou qui te donnera une certaine trajectoire « ouverte » à suivre à partir de ce point. Comme tu ne sais pas où t’arrêter sur cette trajectoire, continue à avancer mais n’oublie de chercher l’Ouverture pour voir si, par hasard, et au fur et à mesure de ton avancement, cette Ouverture ne te révélerait pas, vue sous cet angle nouveau, la Nef. »

Ainsi, l’on comprend que « Lumière Céleste » et Nef recouvrent la même chose. Et ce n’est que depuis un seul point précis que l’Ouverture va nous révéler cette Lumière-solution nouvelle, affublée de l’adjectif « Céleste » pour mieux la qualifier, eu égard, sans doute, à ses caractéristiques particulières. Cette Lumière Céleste n’est pas Golfe Juan. Pour la trouver, ne nous attardons pas à Carusburc d’où jamais l’Ouverture ne nous révélera la Lumière Céleste. Notre objectif, c’est bien de trouver, quelque part au sud de Cherbourg («loin du Septentrion glacé») un point par lequel on pourra voir, par l’Ouverture, la Nef Encalminée.

 

Étape guidée

Cette énigme 560 me rappelle les « étapes guidées » des rallyes automobiles, où il ne s’agit pas de se rendre d’un point à un autre par n’importe quel chemin en résolvant une énigme, mais de suivre pas à pas un parcours défini à l’aide d’informations proposées dans l’ordre chronologique.

Puisqu’il faut quitter Cherbourg, la question est : dans quelle direction ? Avec Albion dans le dos et en nous éloignant du Septentrion glacé... donc dans la direction générale du sud (quoi, encore ? Comme dans la 780 ? Jouons-nous Le Piéton II : Le Retour ?)

Essayons d’affiner cette direction. Si Neptune nous aide par deux fois, c’est que nous « marchons sur les eaux » deux fois successivement. Examinons donc ce qui se passe dans les trois directions principales possibles : sud-est, sud-ouest, plein sud.

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Vers le sud-est
(cap 135)

Cette route suit quasiment le trait Cherbourg-Bourges-Golfe Juan, qui est au 139. Je parle bien sûr par rapport aux bords de la carte et pas par rapport au nord vrai, Max ayant dit que ces bords pouvaient être utilisés comme référence dans le jeu.

Cette direction doit semble-t-il être écartée puisqu’ici Neptune nous aide une première fois (et encore : une toute petite fois) pour passer le mini-estuaire de la Douve, et ensuite plus du tout jusqu’à... Golfe Juan bien sûr, ou en tous cas jusqu’à la côte méditerranéenne.

Je sais bien que Max a dit que Neptune est « le dieu de toutes les eaux » (conformément à l’orthodoxie mythologique), mais en l’occurrence je refuse de croire que son aide nous serait nécessaire pour traverser les cours d’eau, car alors on n’en finirait plus, et la 989 n’y suffirait pas.

La « piste 135 » est donc stérile, à mon avis.

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Vers
le sud-ouest
(cap 225)

Dans cette direction, la première aide de Neptune est brève puisqu’à peine avons-nous quitté le Cotentin que nous atterrissons à Jersey. Max ayant dit que la Nef est en vue par l’Ouverture pendant la seconde aide de Neptune, intéressons-nous particulièrement à la traversée de la baie de Saint-Brieuc, entre Jersey et Plouha.

Cette traversée détermine un secteur angulaire qui placerait la Nef, grosso modo au sud d’une ligne Bourges-Albertville et au nord d’une ligne Bourges-L’Alpe d’Huez—lignes prolongées bien sûr jusqu’à la frontière italienne. Cela laisse beaucoup de terrain à couvrir, et beaucoup de Nefs putatives mais on notera que cette méthode exclut le Mont Blanc (pour les tenants de l’ancien observatoire Janssen).

Toutefois, à mon avis, cette orientation n’est sans doute pas la bonne, tout simplement parce que le cap 225 est exactement l’orientation du trait du visuel. Sans anticiper sur les énigmes suivantes, on peut d’ores et déjà dire que « ce serait là un jeu bien trop facile »...

 

Vers Hernani
(cap ± 185)

L’hypothèse du trait tiré en direction d’Hernani, ville du pays basque espagnol, est suggérée par l’emploi littéraire du titre de l’énigme dans la pièce de Victor Hugo. Cette hypothèse permet ainsi d’utiliser pleinement le titre, qui sans cela resterait un peu sans objet. Si cette direction est la bonne, elle a aussi l’avantage de nous fournir deux passages maritimes clairs, sans ambiguïtés, sans îles, etc.

En effet, ce tracé entre en Manche en face de Lessay et traverse la baie du Mont Saint-Michel jusqu’à la localité de Cherrueix. On reprend la mer aux environs de la pointe de l’Aiguille (Les Sables-d’Olonne) et on traverse le golfe de Gascogne (mer Cantabrique) en passant au large de Ré.

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Où est
la Nef ?

Quelle que soit la bonne solution, on remarque que les trois hypothèses évoquées ci-dessus (et leurs variantes intermédiaires) nous font toutes partir dans le quadrant sud-ouest de Cherbourg, puisque le quadrant sud-est ne fournit pas à Neptune deux occasions de nous aider.

Les deux aides de Neptune étant sur un même axe rectiligne depuis Cherbourg ; et considérant d’autre part que l’Ouverture est Bourges et que, quand on doit « voir par l’Ouverture », c’est toujours en ligne droite, on peut d’ores et déjà en conclure, semble-t-il, que la Nef se trouve dans le quadrant nord-est de Bourges, et plus précisément dans le secteur angulaire défini sur la carte ci-dessous. Enfin, « précisément » est un peu exagéré, car il y a encore pas mal de terrain à couvrir...

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Une I.S. qui tombe à pic

Le champ de nos recherches n’est en fait pas si vaste. En effet, nous avons le moyen de savoir ce qu’est cette énigmatique Nef Encalminée. Nous pouvons déjà nous en douter si nous avons correctement résolu la 600, qui nous fait découvrir le Navire Noir Perché, mais par-dessus le marché, l’I.S. « Née clef en main en 600, tu la retrouveras en 560 » nous confirme l’identité entre le NNP et la Nef, encore renforcée par l’anagramme NEE CLEF EN MAIN = NEF ENCALMINEE.

Au-delà de l’« emballage-cadeau », quel est donc le véritable but de la 560 ? Tout simplement nous dire : « Trace un trait joignant l’Ouverture à la Nef. »

On pourrait même aller plus loin : bien qu’il y ait évidemment un parcours « idéal » à réaliser depuis Cherbourg (vers Hernani ou pas), peu importe en fin de compte comment on trace, sur la 989, le trait qui nous est suggéré par le visuel, puisque tôt ou tard, ce trait nous permettra de rencontrer le point d’où l’on voit la Nef par l’Ouverture !

La clé de voûte de cette énigme est donc une résolution correcte de la 600, et l’identification du bon NNP.

 

Une I.S. qui tombe à l’eau ?

N’oublions pas que, si nous étions invités, au début de la chasse, à avoir confiance en l’aiguille (très certainement celle de la boussole en 780) pour partir dans la bonne direction, nous devions aussi nous attendre à être trahis « plus tard »... Ce plus tard-là ne serait-il pas venu ? Le passage par la pointe de l’Aiguille sur l’axe Cherbourg-Hernani ne signifie-t-il pas que nous sommes sur le mauvais chemin ?

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Et Ronchamp dans
tout ça ?

Si vous avez lu la page 600, vous savez qu’une très séduisante hypothèse consiste à voir dans la chapelle Notre-Dame du Haut à Ronchamp, le NNP. Cette hypothèse est erronée, mais dans la présente énigme on n’en sait encore rien.

On trace donc le fameux « trait à ne pas regretter » entre Bourges et la Nef de Ronchamp (voir cette page pour le tracé), et ce d’autant plus facilement que, d’une manière tout à fait extraordinaire pour une construction aussi petite, elle est représentée individuellement sur la carte 989.

Et voilà ! À la fausseté de la Nef près (!!), l’énigme est résolue.

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VISITE À LA « FAUSSE » NEF DE RONCHAMP

Vue de près, et sous tous les angles, la chapelle de Ronchamp, et plus spécialement son toit, répondent parfaitement à la définition : la forme extrêmement caractéristique en coque de navire, le béton plus sombre choisi pour cette coque, et jusqu’aux « lames » de béton simulant les lames de bois d’une carène...


La partie la plus caractéristique du toit


Les lames de béton imitent la structure d’une charpente de marine


Autre vue saisissante de ressemblance avec les formes planantes des coques
des « maxi-yachts » des courses autour du monde, avec tableau arrière droit


L’autre côté de la chapelle, encore que moins caractéristique, présente aussi
une analogie évidente avec une coque de navire


À quelques dizaines de mètres de la chapelle, une étrange pyramide asymétrique à degrés
commémore les résistants français de la Seconde Guerre Mondiale


Le site domine les magnifiques paysages des ballons des Vosges


Détail du tableau original photographié chez Michel Becker

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